...je l'avais rencontrée en 1953 au cours d'un séminaire de la Fédération française des ciné-clubs à Marly où elle était déléguée par gente del cine, la grande revue cinéphile argentine.
Elle y fit la connaissance d'Henri Langlois, qui devait la présenter à Abel Gance, dont elle devint l'assistante et aussi l'égérie. Il faut dire qu'il s'agissait d'une jeune femme ravissante, qui ressemblait à Lauren Bacall, et n'avait pas froid aux yeux...
Mais, derrière la séductrice se cachait une authentique écrivaine et une sulfureuse poétesse.
Mue par la fièvre du blasphème littéraire, Nelly Kaplan rejoignit vite les rangs de l'insurrection surréaliste, comme l'y incitait par ailleurs le fantôme d'Isidore Ducasse comte de Lautréamont dont l'esprit avait dû laisser quelques traces à l'embouchure du Rio de la Plata et à Buenos-Aires.
Sous le pseudo de Belen, elle amorça une oeuvre insolente et provocatrie avec "le réservoir des sens", "le collier de Ptyx", et "les mémoires d'une liseuse de draps"...
Mais c'est avec le cinéma, dont elle avait assimilé la technique grâce à sa fructueuse collaboration avec Abel Gance ("Magirama") que Nelly Kaplan, aidée par le producteur Claude Makovski qu'elle devait épouser, allait littéralement exploser dans le landernau de la bien-pensance bourgeoise.
En effet, "La fiancée du pirate" , un aboutissement féministe de "mai 68", est le grand coup de poing à l'hypocrisie et à la respectabilité des "honnêtes gens" que l'on attendait après le feu d'artifices de la "commune étudiante" étouffée par le conformisme gaulliste. Admirablement interprété par Bernadette Lafont, ce film-tract est un formidable coup de pied au cul de la société de consommation.
Etant à l'époque (1969) exilé à la radio après avoir été viré de l'ORTF, j'ai eu le privilège avec ma compagne Guylaine Guidez, de promouvoir ce film iconoclaste sur les ondes nationales* et ainsi, de participer à son succès public !
Adieu chère Nelly.
Jean A.Chérasse
*émission "24 images/seconde" sur France Inter