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Billet de blog 14 septembre 2021

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Bracelet électronique : le remède aux maux de la prison ?

La surveillance électronique explose. Faut-il s’en réjouir ? Pas si sûr… Vingt ans après l’entrée du bracelet électronique dans l’arsenal judiciaire comme alternative à la prison, les établissements pénitentiaires restent dramatiquement surpeuplés. En réalité, le dispositif participe d’un mouvement d’expansion du contrôle bien au-delà du champ pénal.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

par Laure Anelli, de l'Observatoire international des prisons-section française. Dossier "Bracelet électronique", 1/8.

La surveillance électronique est en plein boom. Alors qu’il stagnait autour des 10 000 depuis 2013, le nombre de bracelets a augmenté de plus de 47 % ces deux dernières années, pour atteindre les 16 200 en juin. Une hausse qui s’est accélérée en 2021 : 5 034 dispositifs ont été mis en circulation rien que sur ces six derniers mois.

Et ce n’est qu’un début : « Pour la période de juillet à décembre 2021, 7 500 bracelets ont été commandés, avec un planning de livraison de 1 000 à 1 500 par mois », indique la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap).

C’est la société G4S, productrice des bracelets, qui doit se frotter les mains. « Si la courbe de tendance restait inchangée en 2022, la société G4S prévoirait la livraison de 1 200 bracelets par mois », poursuit la Dap. Pour la plupart, il s’agit de dispositifs « fixes », et non GPS : la détention sous surveillance électronique repose en effet sur le principe de l’assignation à résidence, le bracelet permettant seulement de s’assurer que la personne qui le porte est bien chez elle aux heures fixées par la justice.

Illustration 1
© Jeremy Suyker/ITEM

Cette explosion du bracelet semble – au moins pour partie – être le résultat de la politique menée par Emmanuel Macron ces trois dernières années.

Le 6 mars 2018, lors de son discours devant les élèves de l’École nationale de l’administration pénitentiaire (Énap), le président de la République affirmait son intention de « repenser la protection hors les murs et en premier lieu, par la détention domiciliaire sous surveillance électronique ».

Ce que le Président a voulu, la garde des Sceaux Nicole Belloubet l’a fait, à travers la loi de programmation de la justice (LPJ) adoptée le 23 mars 2019 et entrée en application un an plus tard. Principale innovation de la LPJ en la matière, la création d’une peine de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE-peine), qui a érigé le placement sous surveillance électronique – jusqu’alors simple modalité d’exécution d’une peine de prison – en peine principale prononçable lorsque la peine est inférieure à six mois.

Mais à bien regarder les chiffres(1), l’augmentation du nombre de bracelets électroniques paraît davantage imputable à une autre disposition de la LPJ(2), qui a rendu obligatoire dès l’audience – « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » – l’aménagement des peines d’emprisonnement de moins de six mois, et encouragé celui des peines de moins d’un an(3), notamment sous la forme d’un placement à domicile sous surveillance électronique (renommé à l’occasion lui aussi « détention à domicile sous surveillance électronique » – DDSE-aménagement).

Extension du filet pénal

Avec ces deux mesures, l’ambition du président de la République était claire : « réduire drastiquement le nombre de peines de prison de moins de six mois »(4). Un an après l’entrée en vigueur de la réforme, l’objectif est loin d’être atteint(5).

Ce qu’on constate par ailleurs, c’est que le nombre de personnes placées sous bracelet et celui des personnes emprisonnées ont connu des évolutions parallèles sur la période : après une première phase de diminution lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19, les deux courbes ont toutes les deux remonté à partir de juillet (voir graphique 1).

Mais « même si on observait des fluctuations à la baisse des incarcérations, on ne pourrait pas être certains de pouvoir l’attribuer à la surveillance électronique », observe la criminologue Marie-Sophie Devresse, pour qui il est extrêmement difficile d’établir des corrélations statistiques entre les deux mesures. De manière générale, poursuit la professeure, « s’agissant des courtes peines intégralement exécutées sous bracelet, [les recherches montrent que] dans beaucoup de cas de figure, la mesure a été prononcée pour des gens pour lesquels on n’aurait pas nécessairement recouru à une peine de prison. Autrement dit, si la surveillance électronique n’existait pas, on les aurait sans doute laissés libres. »

En réalité, on observe plutôt sur le temps long, en France comme dans d’autres pays, un phénomène d’extension du filet pénal : le bracelet est venu s’ajouter à l’arsenal des peines et accroître la masse des personnes placées sous main de justice plutôt que de se substituer à l’emprisonnement (voir graphique 2). Le nombre de personnes détenues atteignait même son apogée en mars 2020, plus de vingt ans après l’introduction de la surveillance électronique en France.

Illustration 2

Les aménagements de peines vampirisés par le bracelet

Plus que le milieu fermé, c’est l’équilibre du milieu ouvert que la surveillance électronique vient bouleverser.

La LPJ, tout en érigeant la DDSE au statut de peine à part entière, a supprimé celle de contrainte pénale, la ramenant, au sein du « sursis probatoire », à une simple modalité d’exécution d’une peine de prison. Ainsi, la réforme a symboliquement remplacé une mesure essentiellement basée sur l’accompagnement par la surveillance électronique dans l’échelle des peines. Et tandis que le nombre de DDSE explose, celui des autres aménagements de peine sous écrou plafonne à des niveaux bien moindres : on comptait seulement 658 personnes en placement extérieur au 1er juin 2021, à peine une cinquantaine de plus qu’au 1er janvier 2020. La faute au sous-investissement public dans ce type de structures, généralement associatives.

« Les choix d’aménagement sont limités pour les peines entre six mois et un an : on a la DDSE, la semi-liberté qui s’effectue en prison, et le placement extérieur. Or, on n’est pas tous égalitaires sur le territoire en termes d’offres de placement extérieur. Et donc bien souvent par défaut, on va se tourner vers le bracelet électronique, parce qu’il n’y a pas d’autre possibilité que celle-là pour éviter l’incarcération de la personne », explique Marion Bonneaud, conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation (Cpip) membre de la CGT-insertion.

Autre élément expliquant le si faible recours au placement extérieur : l’urgence dans laquelle doivent être faites les recommandations des Cpip lorsque le choix de l’aménagement est décidé par la juridiction de jugement et non plus par le juge de l’application des peines (Jap). « Il faut souvent un peu de temps pour construire un projet de placement extérieur. Parfois il n’y a pas de place immédiatement. »

Aussi, le bracelet électronique « devient à peu près systématique dès lors qu’il y a un hébergement », note encore la syndicaliste. « Ça devient l’aménagement de peine réflexe, parce qu’il est le plus rapide et le plus facile à mettre en œuvre », abonde Annabelle Bouchet, conseillère d’insertion et de probation représentante du syndicat Snepap-FSU. Surtout, « on voit de plus en plus de juges prononcer de la prison immédiatement aménagée avec un bracelet pour des primo-délinquants, des gens qui n’ont rien sur leur casier ! Pour ces magistrats, c’est aussi indolore qu’un sursis probatoire », s’alarme Ivan Guitz, président de l’Association nationale des juges de l’application des peines (Anjap).

Celui-ci observe un phénomène de banalisation de la surveillance électronique à tous les stades de l’exécution des peines : la DDSE occupe aussi une place de plus en plus importante parmi les aménagements octroyés en fin de peine de prison, tant et si bien qu’au 1er juin, 85 % des aménagements de peine sous écrou avaient lieu sous la forme d’une surveillance électronique, contre 9 % pour la semi-liberté et seulement 6 % pour le placement extérieur – et encore, ce pourcentage inclut les placements extérieurs hébergés par l’administration pénitentiaire. Quant à ceux octroyés dans le cadre d’une libération sous contrainte (LSC)(6), 64 % étaient exécutés sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique(7) au 1er octobre 2020.

Majoritaire aujourd’hui, et plus encore demain

La surveillance électronique occupe donc une place hégémonique parmi les mesures de milieu ouvert, que le projet de loi pour la Confiance dans l’institution judiciaire, adopté le 25 mai à l’Assemblée nationale et examiné en septembre au Sénat, devrait encore renforcer. En effet, la réforme vise à rendre systématique, sous certaines conditions(8), l’octroi de la libération sous contrainte, et pour le ministère de la Justice, « il est à prévoir un fort recours à une exécution sous la forme de la surveillance électronique »(9).

Tablant sur 6 000 libérations sous contrainte supplémentaires avec cette nouvelle disposition, il n’étudie qu’un seul scénario : « l’hypothèse maximale selon laquelle toutes les libérations sous contrainte automatiques mises en oeuvre dans ce cadre se verraient exécutées sous le registre de la surveillance électronique » – et se contente d’observer « qu’il paraît opportun d’accroître le nombre de places de placement extérieur pour diversifier l’offre de prise en charge dans le cadre de la LSC, nécessitant des moyens supplémentaires qui devront être précisés ».

Quant à la libération conditionnelle – qui prévoit les mêmes mesures de suivi que la DDSE mais sans la surveillance électronique – elle déclinait ces dernières années(10) et se redresse à peine(11). « Cet aménagement se perd un peu, pourtant on peut faire un super travail en conditionnelle, sans forcément avoir de bracelet. Mais on pense qu’il faut matérialiser le suivi sur le corps du condamné pour qu’il ait conscience d’être placé sous main de justice, regrette Ivan Guitz. Je suis parfois surpris de voir que des conseillers pénitentiaires proposent des bracelets pour des gens qui sont parfaitement éligibles à la libération conditionnelle. Les avocats le plaident aussi, en se disant que ça va amadouer le parquet, que de cette façon ils s’assurent de la libération de leur client. Et du coup, là aussi ça devient systématique. »

L’accompagnement oblitéré, le contrôle renforcé

Si le ministère de la Justice privilégie l’option de la surveillance électronique dans le cadre de la libération sous contrainte, c’est, affirme-t-il, parce qu’elle « peut apporter des garanties sécuritaires pour un retour par étapes à la vie libre ». Un avis partagé par certains juges de l’application des peines. « On a plus de contrôle des allers et venues, donc plus de maîtrise sur ce qu’il va éventuellement faire au cours de sa journée », estime ainsi Damien Mauchard, représentant de l’Union syndicale pour la magistrature. Qui nuance toutefois : « La mesure technique peut présenter un intérêt, mais ce n’est pas uniquement en contrôlant ses entrées et sorties que l’on va aider un condamné à se réinsérer et à prévenir la récidive. Elle ne remplace pas le suivi humain. »

« Quand la surveillance électronique a été mise en place, il y avait un accompagnement assez étroit, ce n’est plus le cas aujourd’hui, déplore cependant Ivan Guitz. Il y a un rendez-vous au moins une fois par mois en principe pour parler de la réinsertion, et c’est à peu près tout. Le côté contraignant lié au bracelet est finalement plus prégnant que le véritable suivi. »

Pour Pierre-Yves Lapresle, Cpip et représentant de la CGT insertion, ce dernier serait même « beaucoup plus espacé, relâché que sur d’autres types de mesures.  Peut-être parce que le fait d’être en contact régulier avec les personnes pour des changements d’horaires nous donne l’impression qu’une sorte de suivi s’installe, alors qu’au fond, ce n’en est pas vraiment un ».

L’accompagnement est en outre bien souvent « parasité » par les problématiques liées au bracelet lui-même. Plusieurs professionnels témoignent au total d’une perte de sens, aggravée par la massification du dispositif. « La DDSE, ça nous envahit complètement, s’alarme le président de l’Anjap, qui exerce au tribunal de Bobigny. On en a trop ! On passe notre temps à gérer des modifications d’horaires, des changements d’hébergement aussi souvent, des incidents pour ceux qui ne supportent plus ce truc-là et sortent à des heures non autorisées… Au détriment d’un vrai travail sur la réinsertion. »

« La prison chevillée au corps »

Avec cet aménagement, « on n’est pas vraiment dans une logique de responsabilisation. Il faut que la personne justifie sans cesse ses moindres faits et gestes, on est donc surtout dans le contrôle », souligne Marion Bonneaud, de la CGT-insertion. Son collègue Pierre-Yves Lapresle illustre : « Il m’est arrivé, avec des personnes qui travaillaient en intérim de leur dire : “Si vous avez un contrat qui tombe vendredi pour lundi matin, vous y allez, tant pis, on régularisera la situation a posteriori”. Donc les gars partent en mission, mais le pôle PSE les appelle sans arrêt en leur disant “vous devez rentrer chez vous, vous êtes évasion”. Il y en a qui n’arrivent pas à gérer ça ! Alors ils font ce qu’on leur dit, et ils rentrent chez eux. » Au risque de ne plus être appelés par la société employeuse.

De manière générale, si la détention à domicile permet aux condamnés qui ont déjà un emploi de ne pas le perdre, pour les autres, elle tendrait plutôt à faire obstacle à leur réinsertion. Ses effets délétères ne se limitent d’ailleurs pas au champ professionnel : les contraintes liées à l’assignation à domicile irradient en réalité toutes les sphères de la vie du condamné, mais aussi celle de son entourage. Le président de la République en est d’ailleurs conscient. « J’invite tous ceux qui pensent que c’est du laxisme à porter un bracelet électronique au quotidien et ils verront ce que c’est en termes de contrôle, d’emprise et de vraies conséquences », déclarait-il encore lors de son discours à l’Enap.

En fait d’alternative, la détention à domicile reproduit en réalité bien des effets néfastes de la prison, quoiqu’à un degré moindre. La crainte d’être emprisonné au moindre écart horaire pèse en outre lourdement sur les épaules des personnes surveillées. « On a une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de la tête. On dort très mal, tout le monde vous le dira, parce que le bracelet, vous l’avez dans la tête, constamment », confie ainsi un condamné.

Aussi, s’ils ne sont pas physiquement en prison, de bien des manières, les placés vivent « la prison chevillée au corps », pour reprendre les mots du chercheur Franck Ollivon(12). La surveillance électronique, de par la souffrance qu’elle emporte, « est bien une peine, dans toute sa dimension rétributive », conclut Marie-Sophie Devresse. Mais pour quelles garanties en réalité ?

Illusion sécuritaire

« Le bracelet électronique nous donne l’illusion qu’on va contrôler de près les condamnés. En réalité, il n’empêche pas d’être violent à domicile, ou de trafiquer des stupéfiants. Tout ce que le bracelet nous assure, c’est qu’ils sont chez eux de telle heure à telle heure. Mais ce qu’ils y font et ce qu’ils préparent… ça nous échappe totalement », observe Ivan Guitz. « La surveillance électronique n’a pas de pouvoir incapacitant puisqu’on peut enlever le bracelet à tout moment et s’enfuir, renchérit Marie-Sophie Devresse. Il n’a pas de valeur fondamentalement sécuritaire. »

Pourtant, la technologie se développe et gagne toujours plus de terrains, dans des formes toujours plus intrusives.

Depuis 2005, un système permettant de géolocaliser en temps réel les personnes peut être imposé dans le cadre de mesures de sûreté se surajoutant à des peines de prison le plus souvent longues. Cette technologie a ensuite été étendue au stade présententiel, c’est-à-dire pour des personnes encore présumées innocentes, par le biais de l’Assignation à résidence sous surveillance mobile (Arsem). Si elle est très peu utilisée – cinq personnes étaient soumises à cette mesure au 1er janvier 2021 – le projet de loi de confiance dans l’institution judiciaire entend encourager son développement.

« Cette traçabilité électronique encore balbutiante représente sans aucun doute le futur de la surveillance pénale et sécuritaire à l’extérieur de la prison », écrivait le chercheur Olivier Razac en 2013(13). Il ne s’était pas trompé : désormais cette technologie déborde même du champ judiciaire.

Par le biais des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas), le ministère de l’Intérieur peut y recourir hors de toute procédure judiciaire à l’encontre de personnes dont on estime que « le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ».

De peine, le bracelet électronique est ainsi devenu un outil de surveillance pur, permettant de contrôler, en tous lieux et à chaque instant, des personnes dont on présume qu’elles pourraient, un jour peut-être, passer à l’acte. Dernier né des dispositifs de surveillance électronique, le bracelet anti-rapprochement, applicable aux affaires de violence conjugale, soulève quant à lui des questions inédites.

D’abord parce qu’il suppose que la victime soit elle aussi tracée par le dispositif. Ensuite, parce que cette mesure est applicable y compris dans le cadre de procédures civiles. Enfin, ou peut-être surtout, parce que la mission régalienne de surveillance a, pour la première fois, été entièrement externalisée au profit d’une entreprise privée, la société Allianz. « Le bracelet électronique est un peu le cheval de Troie, la première mesure à avoir instillé la technologie dans le champ punitif. C’est cette intrusion de la technologie et du privé qui pourrait, à terme, reconfigurer totalement la peine », prévient la criminologue Marie-Sophie Devresse.


Les multiples formes du bracelet électronique

Le terme de « bracelet électronique » est, à de multiples égards, loin d’être univoque. Il recouvre en effet de multiples mesures, qui interviennent à des stades différents de la procédure judiciaire et reposent sur deux types de technologies distinctes, l’une qualifiée de « fixe » (la plus commune), l’autre mobile.

– La détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE). C’est la mesure de surveillance électronique la plus répandue. Réservée aux personnes condamnées par la justice, la DDSE peut être prononcée à titre de peine principale (DDSE-peine, 868 personnes au 19 mai 2021) ou comme modalité d’exécution d’une peine de prison (DDSE-aménagement, 14 701 personnes au 1er juin 2021). La mesure comporte généralement plusieurs obligations et interdictions, dont celle de s’absenter de son domicile en dehors des horaires fixés par la justice. Un boîtier, connecté au bracelet placé à sa cheville, est installé chez le condamné. Si le dispositif n’est pas détecté par le boîtier aux horaires paramétrés, une alarme se déclenche au pôle chargé de la surveillance des bracelets. L’absence prolongée du domicile ou la « neutralisation » du dispositif (qu’il soit arraché ou cassé) sont considérées comme une évasion.

– L’assignation à résidence sous surveillance électronique (Arse). Cette mesure, qui repose sur le même dispositif que celui de la DDSE, est réservée aux personnes prévenues qui encourent une peine de prison, lorsqu’un contrôle judiciaire est jugé insuffisant. Au 19 mai 2021, 423 personnes étaient sous Arse. Le projet de loi de Confiance dans l’institution judiciaire entend encourager son prononcé en alternative à la détention provisoire, mais les résistances des magistrats sont nombreuses.

– L’assignation à résidence sous surveillance électronique mobile (Arsem). Comme l’Arse, elle est réservée aux personnes en attente de jugement, mais elle ne peut être prononcée que lorsque la personne est mise en examen pour une infraction punie de plus de sept ans de prison et pour laquelle un suivi socio-judiciaire est encouru. À la différence de l’Arse, elle repose sur un système qui permet de suivre en temps réel la position géographique de la personne porteuse du bracelet. Au 1er janvier 2021, cinq personnes étaient sous Arsem.

– Le placement sous surveillance électronique mobile (Psem). Le Psem est une mesure de sûreté qui intervient après une peine de prison et repose sur un système de géolocalisation en temps réel de la personne porteuse du bracelet. Au 1er janvier 2021, 29 personnes étaient placées sous PSEM.

– Le bracelet anti-rapprochement (Bar). Dernier né des dispositifs de surveillance électronique, le Bar s’applique aux cas de violences conjugales et vise à s’assurer que la personne mise en examen ou condamnée pour de tels faits respecte l’interdiction de se rapprocher de la victime. Il peut intervenir aux stades présentenciel, du jugement ou de l’exécution de la peine (comme obligation du sursis probatoire ou dans le cadre d’un aménagement de peine), pour toute infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement. Le Bar ne peut être prononcé qu’à la demande ou avec le consentement de la personne présumée ou reconnue victime : en effet, ce dispositif implique que la personne victime porte elle aussi en permanence un terminal visant à connaître sa localisation en temps réel. Au 21 juin 2021, 125 Bar étaient activés.


Le bracelet électronique permet-il de prévenir la récidive ?

Il est très difficile voire impossible de mesurer l’efficacité en matière de prévention de la récidive de la surveillance électronique comparativement à la prison. Dans une étude des différents travaux de recherche menés à l’échelle internationale*, le sociologue René Lévy souligne les difficultés méthodologiques posées par un tel exercice. Avec prudence, il arrive cependant à la conclusion que, « dans le cadre post-sententiel, le seul pour lequel nous disposons de plusieurs enquêtes, le résultat le plus clair paraît être que la surveillance électronique semble plus efficace pour les condamnés ne présentant pas d’emblée un haut niveau de risque ». Mais, précise- t-il, plusieurs de ces enquêtes ayant été menées en Scandinavie, ce constat est à nuancer par « la difficulté à distinguer entre les effets propres de la surveillance électronique et ceux des autres composantes de la prise en charge, puisqu’en Scandinavie celle-ci ne se ramène jamais à une simple surveillance ». Les résultats d’une autre enquête, menée cette fois-ci en France, « plaident en faveur du PSE, qui permettrait une réduction importante de la probabilité de recondamnation dans les 4,5 ans », selon ses auteures**. Mais elles invitent également à la prudence : leur étude a été réalisée à partir de données relevant de la décennie précédente, quand peu de décisions de placement étaient prises et que les placés recevaient des visites fréquentes de la part des agents du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Or, elles relèvent que « la qualité du suivi diminue compte tenu de la forte augmentation du nombre de personnes placées sous surveillance électronique durant la dernière décennie ». Aussi « si nous avons montré que le placement sous surveillance électronique pouvait contribuer à la réduction de la récidive, notamment lorsqu’il est associé à un suivi conséquent des personnes qui en bénéficient, nous n’avons pas montré que c’est encore vrai aujourd’hui », concluent-elles. — Cécile Marcel
* René Lévy, « Le bracelet électronique est-il efficace ? Réflexions sur la recherche évaluative en matière de surveillance électronique », Le bracelet électronique : action publique, pénalité et connectivité, RMS édition - Médecine & Hygiène, 2019.
** Anaïs Henneguelle, Annie Kensey, « Une autre approche de l’effet de la surveillance électronique sur la récidive », Le bracelet électronique : action publique, pénalité et connectivité, op.cit.


(1) Le taux d’aménagement de peines ab initio a bondi de 281% entre décembre 2019 et décembre 2020 (Source : OPEFM, DACG, janvier 2021). On comptait ainsi 14138 DDSE-aménagement au 1er juin 2021, contre 863 DDSE-peine au 19 mai 2021 (Source : DAP).
(2) Voir l’article 45 de la Loi de programmation de la justice.
(3) Article 132-25 du Code pénal.
(4) Discours d’Emmanuel Macron à l’Enap, 6 mars 2018.
(5) 8792 personnes étaient détenues pour des peines de moins de 6 mois au 1er avril 2021, contre 8713 un an auparavant. (Source : DAP, Statistiques trimestrielles, avril 2021).
(6) Examinée systématiquement aux deux tiers de la peine, dont l’octroi ne nécessite pas de projet d’insertion particulier.
(7) Étude d’impact du projet de Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.
(8) Pour les peines de moins de deux ans dont le reliquat est inférieur à trois mois.
(9) Étude d’impact du projet de Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.
(10) Ministère de la Justice, Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques n°50.
(11) 4 832 au 1er janvier 2018, 4 644 en 2019, 4 563 en 2020, 4 764 au 1er janvier 2021.
(12) La prison chevillée au corps. Pour une approche géographique du placement sous surveillance électronique, thèse de doctorat en géographie présentée et soutenue publiquement le 30/11/2018.
(13) Olivier Razac, « La matérialité de la surveillance électronique », Déviance et société, 2013/3, vol.37.

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